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Troubles neurologiques fonctionnels : de l’hystérie antique aux débats modernes

  • melaniemahe
  • 29 août
  • 4 min de lecture

I. Une histoire médicale digne d’un feuilleton

Les troubles neurologiques fonctionnels (TNF) ne datent pas d’hier. Déjà dans l’Antiquité, Hippocrate expliquait les symptômes inexpliqués par des « vapeurs utérines » voyageant dans le corps. (Oui, selon lui, l’utérus avait des velléités de tourisme interne…).

Encore plus étonnant : des papyrus égyptiens, vieux de plusieurs millénaires, décrivaient déjà ces mystérieuses manifestations.


Au XIXᵉ siècle, Jean-Martin Charcot, neurologue français, bouleverse la vision médicale en montrant que l’hystérie peut aussi toucher les hommes — ce qui, à l’époque, ressemblait à une petite révolution. Puis, Sigmund Freud introduit le concept de conversion : un traumatisme refoulé qui s’exprime par le corps. De son côté, Pierre Janet préfère parler de dissociation : des automatismes inconscients qui prennent le contrôle.


Bref, le trouble change de nom au fil des siècles : hystérie, conversion, dissociation, fonctionnel… Une véritable saga médicale.


II. Terminologie et classifications : un joyeux casse-tête

Aujourd’hui, même les manuels de référence ne s’accordent pas :

  • DSM-5 (2013) : parle de trouble neurologique fonctionnel ou de conversion (critères A-D : incompatibilité avec une maladie reconnue, handicap significatif, etc.). Bonne nouvelle : plus besoin de stress émotionnel obligatoire pour poser le diagnostic.

  • CIM-11 (2022) : classe les TNF parmi les troubles dissociatifs à symptômes neurologiques (code 6B60).


Résultat : une patiente peut avoir deux étiquettes différentes selon le manuel utilisé. Pas étonnant que les soignants s’arrachent parfois les cheveux…


III. Les preuves scientifiques : le cerveau en lumière

Grâce à la neuro-imagerie, on sait aujourd’hui que les TNF ne relèvent ni de la simulation ni de l’imaginaire. Comme le rappellent Coraline Hingray et Deniz Ertan (Les troubles neurologiques fonctionnels, de quoi parle-t-on ?, in Garcin, Homs, Tavares, 2024) :

« Les TNF se caractérisent par des altérations de certaines zones neuroanatomiques impliquées dans la régulation des émotions, l’attention et le contrôle sensorimoteur. »

Bref, c’est bel et bien « dans le cerveau », et pas une invention du patient.


IV. Fréquence et retard diagnostique : un invité encombrant

  • Incidence : 4 à 12 cas pour 100 000 habitants/an.

  • Crises fonctionnelles dissociatives : 1,5 à 4,9/100 000/an.

  • Deuxième motif de consultation neurologique après la migraine.

  • Diagnostic souvent tardif : 7 ans en moyenne pour les crises dissociatives.


En clair : non seulement les TNF sont fréquents, mais ils coûtent cher, en errance médicale comme en dépenses de santé.


V. Handicap et qualité de vie : un impact massif

Les TNF ne sont pas « théâtraux », mais bien invalidants :

  • Chômage : 23 à 84 % des patients.

  • Invalidité médicale : 24 à 55 %.

  • Qualité de vie fortement altérée : fatigue, douleurs, anxiété, stigmatisation.


Une revue systématique des études a montré que la qualité de vie des patients est largement influencée par des facteurs qui vont bien au-delà des symptômes eux-mêmes :

  • Les comorbidités psychiatriques (dépression, anxiété, troubles dissociatifs…) renforcent la souffrance psychique et compliquent la rééducation. Par exemple, un état dépressif peut réduire la motivation à participer aux soins.

  • Les stratégies d’évitement, appelées aussi coping dysfonctionnel, consistent à fuir les situations perçues comme déclencheuses (éviter de sortir par peur d’une crise, limiter les mouvements pour éviter une chute…). Si cela soulage à court terme, cela entretient le handicap sur le long terme.

  • Les représentations négatives de la maladie (idée d’une pathologie incurable, imaginaire ou honteuse) renforcent le découragement, l’isolement social et parfois l’abandon des soins.


En clair, la baisse de qualité de vie chez les patients atteints de TNF ne dépend pas seulement des symptômes neurologiques, mais aussi d’un cercle vicieux psycho-social : anxiété, évitement, croyances négatives et stigmatisation s’entretiennent mutuellement, aggravant la situation.


VI. Témoignage d’une patiente : « Ce n’est pas hormonal »

« Femme de 37 ans, je consulte un neurologue pour migraines, vertiges et tremblements. Verdict ? “C’est hormonal.” Pas un mot sur les troubles neurologiques fonctionnels. J’ai compris alors combien le manque de formation pouvait retarder le diagnostic. Pourtant, tout avait commencé après un accident de la route, avec un coup du lapin violent. Avant cela, je n’avais jamais vu de neurologue, jamais consulté de psychologue, je menais une vie sportive et très active professionnellement. Du jour au lendemain, je ne reconnaissais plus mon propre corps. Il est urgent que les professionnels soient mieux formés, pour que d’autres patients n’aient pas à vivre cette errance médicale. »

VII. Les idées reçues : à combattre sans relâche

L’image de la « femme hystérique en quête d’attention » persiste, y compris chez certains soignants. Résultat : patients stigmatisés, diagnostics retardés.


Comme l’écrivait déjà Charcot :

« L’hystérie n’est pas le privilège des femmes, mais une affection du système nerveux. »

Un rappel qui, plus d’un siècle plus tard, reste toujours d’actualité.


VIII. Conclusion : un trouble frontière, un défi passionnant

Les troubles neurologiques fonctionnels sont à la croisée de la neurologie et de la psychiatrie. Leur compréhension nécessite :

  • une approche multidisciplinaire,

  • une formation accrue des professionnels,

  • et un changement de regard de la société.


Comme le résument Hingray & Ertan :

« Les TNF sont une pathologie fréquente, complexe et invalidante, dont l’étude éclaire les liens subtils entre corps, cerveau et psychisme. »

Alors, la prochaine fois qu’on vous dit : « C’est dans votre tête », répondez :— « Oui, dans mon cerveau… et c’est scientifiquement prouvé ! » 


📚 Pour aller plus loin

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