TNF moteurs : quand ton cerveau écrit son propre scénario... sans te prévenir
- melaniemahe
- 12 juil.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 août
1. Introduction
1.1. Quand le corps bugge mais le scanner dit “RAS”
Imaginez que vous perdez soudain l’usage d’un bras, que vos jambes refusent d’avancer ou que votre corps se met à trembler sans raison apparente. Vous passez une batterie d’examens : IRM, EEG, électromyogramme… Tout est normal. Verdict ? « C’est dans votre tête ».Eh bien non. C’est dans votre cerveau, mais pas comme vous l’imaginez. Bienvenue dans le monde mystérieux mais bien réel des troubles neurologiques fonctionnels moteurs, ou TNF moteurs.
D’après l’article de Gauthier Rauline (Clinique du Sport Paris V) et l’ouvrage collectif dirigé par Béatrice Garcin, Alexis Homs et Isabel Tavares, Les troubles neurologiques fonctionnels (2021).
2. Données épidémiologiques
2.1. Qui est concerné ?
Les TNF moteurs ne sont pas une rareté exotique : on estime leur incidence à 4 à 5 cas pour 100 000 patients par an. Et surprise : 60 à 75 % des personnes concernées sont des femmes. Pourtant, ces troubles restent largement sous-diagnostiqués, pour plusieurs raisons :
manque de formation des médecins,
peur de passer à côté d’une autre pathologie,
difficultés pour les patients à croire qu’un trouble neurologique puisse exister… sans lésion.
3. Définition et critères diagnostiques
3.1. Discordance anatomoclinique, késako ?
Les TNF moteurs regroupent des symptômes neurologiques (paralysies, tremblements, chutes...) sans lésion détectable du système nerveux. Le cerveau fonctionne, mais il dysfonctionne dans la façon dont il pilote le mouvement. On parle de discordance anatomoclinique, c’est-à-dire que ce que présente le patient ne correspond pas à ce qu’on attendrait en fonction de l’anatomie du cerveau et des nerfs. Un peu comme si votre voiture affichait "panne moteur" alors que tout est nickel... sauf que le GPS vous emmène chez votre ex.
3.2. Les critères du DSM-5 (sans psychanalyse obligatoire)
Le DSM-5 (le grand manuel des troubles mentaux) décrit les TNF moteurs comme :
une altération de la fonction motrice volontaire (marche, force, gestes),
des signes cliniques qui ne correspondent pas aux mécanismes attendus du système nerveux,
une absence d’explication lésionnelle ou psychiatrique satisfaisante,
un retentissement significatif sur la vie du patient.
Bref : ce n’est ni simulé, ni imaginaire. C’est un bug du système moteur involontaire.
4. Signes cliniques positifs des TNF moteurs
4.1. Perte de mouvement (et de patience)
Ralentissement extrême, fatigue inexpliquée, performance inconstante : un jour ça va, l’autre jour, plus rien.
Paralysie d’un membre inférieur : testez le signe de Hoover ! Si la jambe "paralysée" pousse quand l’autre est sollicitée, le problème est fonctionnel.
Paralysie du bras : bras qui tombe comme une crêpe, difficulté à boutonner… sauf si on ne regarde pas.
Parkinson version TNF : tremblement qui s’arrête dès qu’on détourne l’attention… magique.
4.2. Excès de mouvement (non chorégraphiés)
Tremblements irréguliers, changeants, parfois unilatéraux.
Myoclonies : secousses nerveuses incontrôlées mais non lésionnelles.
Dystonies : contractions musculaires fixes.
Tics : pas classiques, pas retenus, pas anticipés.
4.3. Manifestations axiales (ça tangue)
Démarche instable : genoux qui lâchent, allure traînante, glissade fantôme.
Postures variables, parfois franchement bizarres.
Équilibre : chutes "spectaculaires mais non graves".
Langage : bégaiement, accent étranger, mutisme… sans atteinte organique.
Ces signes, validés scientifiquement, permettent un diagnostic positif, c’est-à-dire basé sur ce qu’on voit et pas juste sur l’exclusion d’autres maladies. Et les erreurs diagnostiques sont très rares : moins de 4 % chez les neurologues spécialisés après 5 ans de suivi.
5. Physiopathologie proposée
5.1. Des réseaux cérébraux en bug collectif
Le TNF moteur ne vient pas d’un neurone paresseux mais d’un déséquilibre complexe entre plusieurs systèmes cérébraux :
Système limbique (gestion émotionnelle),
Réseau de saillance (alerte prioritaire),
Agentivité (sensation d’être à l’origine de ses mouvements),
Fonctions sensori-motrices (coordonner ce que l’on sent et fait),
Réseau attentionnel, intéroception (ressenti interne)…
5.2. Une perte de contrôle… mais pas de réalité
Le symptôme central : les patients ne se sentent plus acteurs de leurs mouvements. Comme si le corps agissait sans leur volonté. Ce n’est ni simulé ni imaginé : c’est une vraie déconnexion cérébrale.
5.3. Une figure à comprendre avec humour
Le Grand Conseil des Réseaux Cérébraux (version simplifiée de la Figure 1)
🧩 Élément | 🧾 Rôle dans le cerveau | 🤯 Ce qui cloche dans les TNF |
Attention | Permet de se concentrer sur une tâche | Se disperse, amplifie les symptômes |
Réseau de saillance | Trie ce qui est important ou menaçant | Détecte des dangers... imaginaires |
Agentivité | Sensation d’être à l’origine d’un mouvement | Le patient ne se sent plus aux commandes |
Conscience corporelle | Ressenti de son propre corps dans l’espace | La carte du corps devient floue |
Intéroception | Perception des signaux internes (tensions, rythme cardiaque...) | Amplifie les sensations gênantes |
Fonctions sensori-motrices | Coordination entre perception et mouvement | La coordination est brouillée |
Réseau attentionnel | Focalise et maintient l’attention | Se fixe sur les symptômes au lieu des solutions |
Régulation émotionnelle | Gère l’intensité des émotions | L’émotion prend le contrôle de la scène |
Traitement émotionnel | Interprète les émotions et les contextes | Devient biaisé, confus ou exagéré |
Prédiction / Inférence (centre du schéma) | Anticipe ce qui va se produire (ex : “je peux marcher”) | Fausse prédiction : le cerveau "pense" qu’on ne peut pas bouger... et donc on ne bouge pas |
Résumé visuel
C’est comme si un orchestre jouait avec des instruments bien accordés, mais sans chef, sans partition, et avec un triangle qui panique à chaque note.
6. Approche en kinésithérapie
6.1. Réapprendre un schéma moteur mal encodé
Le principe : montrer au patient qu’il peut faire le mouvement. On part du postulat que son cerveau a appris une mauvaise manière de bouger, et qu’il peut désapprendre. Pas de passivité ici ! On mise sur la kinésithérapie active, avec une bonne dose de pédagogie.
6.2. Dire la vérité… mais pas n’importe comment
Les patients sont souvent réceptifs quand on leur explique que leurs symptômes sont :
réels,
involontaires,
réversibles,...et liés à un bug cérébral (et non à un problème psychologique profond ou une faiblesse personnelle). Bref, un peu comme Windows 98 dans un ordinateur neuf.
7. Conclusion et perspectives
7.1. Ce n’est que le début…
Le diagnostic des TNF moteurs repose désormais sur des signes spécifiques, et non plus par élimination. Il est temps de sortir ces troubles de l’ombre et de la honte.
💡 Dans un prochain article, nous vous détaillerons les étapes de la rééducation en kinésithérapie : de la prise de conscience au retour de la confiance musculaire.
7.2. Reconnaître, informer, accompagner
Ce n’est ni rare, ni imaginaire, ni désespéré.
Ce n’est pas une comédie, mais on peut en parler avec humour et espoir.
8. Références et ressources complémentaires
📘 Les troubles neurologiques fonctionnels, coordonné par Béatrice Garcin, Alexis Homs et Isabel Tavares.🛒 Disponible sur Amazon
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