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Les limites du centre Bipol-AIR : même les super-héros ont leur kryptonite

melaniemahe
2 juil.
4 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 sept.

“L’innovation, c’est accepter de tâtonner, d’essayer, d’ajuster. Même quand on est une clinique de référence.”— Gharid, Labouré & Christot, 2021, in Garcin B. (coord.), Les troubles neurologiques fonctionnels

Il y a des lieux où l’on sent qu’on avance, même quand le corps fait de la résistance. Le centre Bipol-AIR fait partie de ceux-là. Mais même les meilleures équipes ont leurs défis à relever.

Aujourd’hui, on parle sans tabou des limitations dans la prise en charge des troubles neurologiques fonctionnels (TNF), à partir du retour d’expérience d’hospitalisation de jour présenté par Axelle Gharid, Julien Labouré et Florian Christot dans le livre dirigé par Béatrice Garcin, Alexis Homs et Isabel Tavares.

Les difficultés liées aux groupes aidants

“Je ne veux pas déranger…” Cette phrase, vous l’avez peut-être déjà pensée. Beaucoup de patients refusent que leurs proches participent aux groupes aidants, par peur d’être un fardeau ou d’en dire trop.

Résultat : difficile de monter ces groupes. Entre les emplois du temps surchargés des aidants et le frein émotionnel des patients, la mayonnaise a du mal à prendre.

Témoignage de Lisa, 33 ans :

“J’avais peur que ma mère entende que je galère autant. Mais en fait, quand elle est venue, ça nous a rapprochées.”

L’asthénie et la douleur : un frein à la rééducation

Fatigue chronique (asthénie) et douleurs diffuses sont les deux trouble-fête classiques des TNF. Ces symptômes limitent les capacités d'engagement des patients, provoquent absentéisme et découragement.

Une réponse ? Des ateliers de gestion de l’activité sont en cours de réflexion pour aider à ajuster le rythme de manière adaptée.

“L’objectif n’est pas la performance, mais l’intégration dans un rythme de vie satisfaisant.”— Gharid et al., 2021

Les crises fonctionnelles dissociatives : sécuriser sans isoler

Quand les crises frappent, elles peuvent être intenses, imprévisibles et longues. Pour y répondre, l’équipe a mis en place une salle sécurisée, vitrée, permettant aux infirmiers de rester en surveillance depuis une pièce attenante.

Un dispositif discret mais rassurant, pensé pour garantir la sécurité tout en respectant la dignité des patients.

La transposition en milieu écologique : l'autre combat

Ce qu’on apprend au centre, faut-il encore pouvoir le transposer dans la vraie vie. Ce que l’on ose dire ou tenter dans un cadre bienveillant, on n’ose pas toujours l’appliquer dans un environnement moins soutenant.

Un groupe motivationnel du changement aide les patients à identifier leurs ressources internes et à construire des stratégies réalistes de transfert vers le quotidien.

Témoignage de Yasmine, 25 ans :

“À la clinique, je peux dire ‘j’ai peur de marcher seule’. À la maison, je me tais et j’angoisse. Le groupe m’a donné des clés.”

L’auto-évaluation parfois faussée par l’alexithymie

Certains patients, en particulier ceux présentant de l’alexithymie — une difficulté à identifier et exprimer ses émotions — surestiment parfois leur état. Cela rend les bilans de progression délicats.

“L’alexithymie peut fausser la perception de soi. Il est crucial de croiser l’auto-évaluation avec une observation clinique fine.”— Nicholson C., 2021

Les aides fonctionnelles : un ballet logistique

Fauteuils roulants, cannes, déambulateurs… Ces outils indispensables posent parfois des problèmes d’organisation, notamment quand des accompagnements humains sont nécessaires pour les déplacements.

L’équipe adapte les parcours, mais cela nécessite des ressources logistiques importantes et une coordination serrée.

La gestion des délais d’admission : un vrai défi

Le centre Bipol-AIR est victime de son succès. Le nombre croissant de demandes de préadmission dépasse les capacités actuelles. Les délais d’attente pour une prise en charge peuvent devenir longs, compromettant parfois l’efficacité du traitement, car plus la prise en charge est précoce, meilleur est le pronostic.

Des modifications organisationnelles sont à l’étude pour mieux gérer cette pression croissante.

Un manque criant de centres… et de formation

Le centre Bipol-AIR est une exception en France. Trop peu d’établissements proposent aujourd’hui une prise en charge spécialisée, multidisciplinaire et cohérente des TNF.

Ce manque est en partie lié à une formation encore très lacunaire des professionnels de santé sur ces troubles complexes.

Appel à tous les soignants : il est urgent de se former aux TNF ! Que vous soyez médecin, kinésithérapeute, infirmier, psychologue, psychiatre ou ergothérapeute : chaque acteur·de santé a un rôle à jouer. On compte sur vous !

Pour les patients qui cherchent des professionnels formés, n’oublions pas que l’association CAP TNF propose un annuaire et de nombreuses ressources pour s’orienter.

Conclusion : des limites assumées pour mieux avancer

Le parcours de soins proposé au centre Bipol-AIR n’est pas parfait. Mais il a le mérite d’exister, d’être structuré, coordonné, et de s’adapter en permanence aux besoins des patients.

“La rééducation physique et la remédiation psychologique doivent être intégrées comme des apprentissages progressifs, non comme des performances à atteindre.”— Gharid et al., 2021

C’est en assurant la cohérence et la progressivité des soins que l’on restaure la confiance du patient, son engagement, et ses chances de retrouver une vie digne, autonome et active.