TNF en MPR : quand la réalité dépasse la rééducation
- melaniemahe
- 25 nov.
- 4 min de lecture
I. Un travail d’équipe où tout doit être synchronisé (même les cafés)
Prendre en charge un patient souffrant de troubles neurologiques fonctionnels en centre de rééducation, c’est un peu comme organiser un orchestre… où chaque instrument jouerait sa partition à une vitesse différente.
Selon l’article de Margot Benjamin et Pierre Durand publié dans Troubles neurologiques fonctionnels (coordonné par Béatrice Garcin, Alexis Homs et Isabelle Tavares), la clé est simple :
Tout le monde doit dire la même chose, au même moment, au même patient.
Psychologues, kinésithérapeutes, psychiatres, ergothérapeutes, médecins de MPR, médecin traitant, enseignants, famille : la cohérence est le traitement invisible mais indispensable.
« Dans les TNF, l’harmonisation du discours est un soin à part entière. »
Inclure les proches est essentiel : leurs inquiétudes, leurs incompréhensions et leurs fausses croyances peuvent involontairement entretenir les symptômes, surtout chez les patients les plus jeunes.
II. Les fluctuations : le grand huit émotionnel et clinique
Ah, les fluctuations…Le patient marche, puis il ne marche plus, puis il remarche, puis il ne sait plus s’il peut marcher.
Les équipes doivent gérer :
des pertes soudaines de la marche,
des crises fonctionnelles dissociatives,
des capacités inversées d’un jour à l’autre,
et parfois des progrès spectaculaires… suivis de régressions tout aussi spectaculaires.
Cela implique :
✔️ d’avoir un espace de repos dédié
✔️ d’être flexible et disponible
✔️ de rester calme (ou de devenir moine Shaolin)
Ce manque de régularité met à rude épreuve le cadre rééducatif classique : les symptômes ne suivent jamais une progression linéaire, et semblent parfois totalement indépendants du travail physique réalisé.
III. Objectifs thérapeutiques : quand le SMART devient… créatif
Pour rappel, un objectif SMART est : Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste, et temporellement défini.
En MPR, on adore ça. Mais avec les TNF… le SMART finit parfois par devenir Flou, Flexible, Fluctuant et Franchement à renégocier.
Certaines difficultés typiques :
Le patient veut un objectif… mais ne sait pas lequel.
Il a un objectif… mais ne veut pas faire les exercices.
Il a un objectif réaliste… mais seulement après le week-end.
Ou alors : « Je veux remarcher normalement demain à 8h10. Merci. »
Les kinésithérapeutes doivent également inventer des exercices adaptés à des symptômes atypiques (ex : tremblements fonctionnels), ce qui demande une créativité digne de Pixar.
IV. Aides techniques : utiles, mais à manier avec autant de précaution que du nitroglycérine
Les aides techniques (cannes, orthèses, fauteuils) peuvent être utiles…… mais également risquer de renforcer, sans le vouloir, la perception de handicap.
D’où cette ligne de conduite :
ne pas dire oui trop vite,
toujours expliquer le raisonnement,
chercher l’équilibre entre soutien et renforcement involontaire du symptôme.
« L’explication thérapeutique est aussi importante que l’outil proposé. »
Mais ce n’est pas toujours simple : certains patients demandent une aide car elle les rassure. La refuser sans accompagner peut créer de la frustration. L’accepter trop vite peut limiter les progrès.
V. L’évaluation : entre tests standardisés et réalité mouvante
Comment évaluer un patient dont les capacités varient au gré du vent ?Avec les outils classiques :
Test de marche (T10M, T6min)
Box and Block Test (mettre des cubes dans une boîte plus vite que le chrono — oui oui)
Mais un vrai paradoxe apparaît régulièrement :
Le patient progresse énormément dans la vie quotidienne… mais n’améliore aucun score aux bilans analytiques
Ce qui montre clairement que :
✔️ les tests standardisés ne suffisent pas
✔️ l’évaluation doit être plus globale et fonctionnelle, comme en douleur chronique
✔️ la qualité de vie doit être un critère majeur.
VI. Le grand défi : le manque de ressources psychiques
Les centres de rééducation sont très forts en soins physiques. Mais côté soins psychiques, c’est parfois le désert du Nevada.
Pourtant, dans les TNF :
une approche somato-psychique est un besoin essentiel, car les symptômes mêlent étroitement corps, émotions et cognition.
Psychologues, psychomotriciens, psychiatres, thérapies corporelles : tout cela devrait être aussi accessible que la barre parallèle du gymnase.
VII. Les perspectives : ça bouge (heureusement !)
Tableau – Les axes de développement actuels en MPR pour les TNF
Axe de développement | Objectif / Intérêt pour les patients TNF |
Harmonisation des parcours de soins | Garantir un discours identique entre tous les professionnels et éviter les contradictions. |
Fourniture de documents écrits aux patients | Limiter les répétitions, clarifier le projet de soins et favoriser l’adhésion. |
Renforcement de la psychoéducation et de l’éducation thérapeutique | Aider le patient à comprendre ses symptômes, réduire les peurs et améliorer l’engagement (modèle déjà efficace en douleur chronique). |
Développement de la psychomotricité en MPR | Répondre aux besoins spécifiques des jeunes patients, notamment sur la conscience corporelle et la régulation émotionnelle. |
Extension de l’APA (activité physique adaptée) aux adolescents | Proposer des activités attractives pour les jeunes, adaptées aux comorbidités fréquentes (anxiété, dépression). |
Recensement des structures locales adaptées | Orienter vers des médiations pertinentes : animale, artistique, sport adapté, ateliers d’insertion… |
Formation et sensibilisation des professionnels | Combler le manque actuel de formation spécifique aux TNF et améliorer la cohérence des pratiques. |
Renforcement de la recherche et intégration dans les réseaux spécialisés | Faire progresser les connaissances, valider les pratiques et améliorer le parcours de soins. |
VIII. Conclusion : une rééducation encore en construction, mais pleine de promesses
La prise en charge MPR des TNF avance, se structure et s’améliore. Même si :
les symptômes sont imprévisibles,
les tests sont parfois contradictoires,
les objectifs sont plus flexibles que SMART,
les ressources psychiques manquent encore,
… la multidisciplinarité et l’approche somato-psychique ouvrent des perspectives enthousiasmantes.
Trouver le juste équilibre entre :
rééducation physique,
accompagnement psychique,
psychoéducation,
activité physique adaptée,
et communication harmonisée,
reste le défi majeur pour les années à venir.
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Livre de référence
Troubles neurologiques fonctionnels, coordonné par Béatrice Garcin, Alexis Homs & Isabelle Tavares
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